Actualité en matière d’E-commerce

Actualité en matière d’E-commerce

1. Introduction

L’E-commerce est plus que jamais en plein essor, notamment grâce à la crise du coronavirus. Parallèlement à la croissance exponentielle de ce canal de distribution relativement récent, le fouillis réglementaire s'accroît également. Dans cet article, nous abordons les derniers changements législatifs qui peuvent être importants dans le cadre de votre activité.

2. Protection du consommateur

2.1. Modernisation des droits des consommateurs

Avec la directive (UE) 2019/2161 relative à la modernisation des droits des consommateurs, l'UE souhaite renforcer la protection des consommateurs en prenant des mesures plus strictes contre les infractions au droit de la consommation et en imposant des obligations d'information supplémentaires pour les achats en ligne. La directive vise un degré  d'harmonisation maximale et s'applique uniquement au secteur B2C. Les États membres doivent transposer la directive dans leur législation nationale avant le 28 novembre 2021, avec une entrée en vigueur à partir du 28 mai 2022. Il y a actuellement un projet de loi sur la table qui doit encore passer par le processus parlementaire.

Sanctions

La directive stipule que les États membres doivent prendre des mesures efficaces, proportionnées et dissuasives en cas, notamment, de non-respect des obligations d'information applicables aux ventes en ligne et à l'exercice du droit de rétractation. Lors de l'application de sanctions par l'Inspection économique ou les tribunaux, il sera tenu compte d'une liste non exhaustive de critères indicatifs, tels que la nature, la gravité, la portée et la durée des infractions ainsi que l'existence d'infractions antérieures. L'interprétation concrète, par le législateur belge, n'est pas encore connue mais cela mérite d'être suivi de près.

Ce qui a cependant déjà été établi, c'est qu'en cas d'infractions transfrontalières et généralisées - par exemple un non-respect flagrant du droit de rétractation par un webshop opérant dans plusieurs États membres - une amende, allant jusqu'à 4 % du chiffre d'affaires annuel du vendeur dans le ou les États membres en question, doit pouvoir être infligée par l'autorité nationale compétente (c'est-à-dire l'Inspection économique). Si le chiffre d'affaires annuel est sans précédent ou exceptionnel, une amende pouvant atteindre 2 millions d'euros peut être infligée.

Exigences d'informations supplémentaires pour les ventes effectuées via des plateformes en ligne

La directive contient également un certain nombre d'exigences supplémentaires en matière d'information pour les ventes effectuées via des plateformes en ligne :

  • La plateforme en ligne doit mettre à la disposition des consommateurs des informations générales sur les principaux paramètres utilisés pour classer les offres lors d'une recherche, ainsi que l'importance relative d'un paramètre par rapport à un autre. Ces informations doivent être disponibles dans une section spécifique de l'interface en ligne qui est directement et facilement accessible depuis la page sur laquelle les offres sont faites.
  • La plateforme en ligne doit indiquer clairement aux consommateurs s'ils achètent le produit directement sur la plateforme en ligne ou auprès d'un vendeur tiers actif sur cette plateforme. Après tout, le consommateur doit savoir à qui il peut s'adresser en cas de questions ou de difficultés.

Lorsque le contrat est conclu avec un tiers, la plateforme en ligne doit indiquer au consommateur si le tiers qui propose les produits est une entreprise ou un particulier. Ces informations sont importantes pour les consommateurs car la législation sur la protection des consommateurs (droit de rétractation, garantie légale) ne s'applique que dans un contexte B2C. Si le vendeur tiers n'est pas un professionnel, le consommateur doit être informé de l'impossibilité d'invoquer la législation sur la protection des consommateurs. Ces informations doivent être fournies de manière claire et compréhensible et pas seulement dans les conditions générales ou dans des documents contractuels similaires.

2.2. Nouvelles règles sur les ventes, aux consommateurs, de biens ainsi que de contenu numérique et de services numériques

La directive (UE) 2019/771 sur les ventes aux consommateurs remplace l'ancienne directive (CE) 1999/44 en vue d'harmoniser davantage la protection des consommateurs. La directive (UE) 2019/770 sur la fourniture de contenu numérique et de services numériques introduit quant à elle un régime spécifique pour la vente de produits numériques (tels que les logiciels, la musique, les livres électroniques, etc. ) et de services numériques (tels que le stockage sur le cloud ou l'accès aux réseaux sociaux). Les deux directives se complètent et ne s'appliquent que dans une relation B2C.

Ces directives devaient être transposées en droit national avant le 1er juillet 2021 et entrer en vigueur à compter du 1er janvier 2022. Elles ne s'appliquent qu'aux contrats conclus après cette date. Les directives visent une harmonisation maximale des législations nationales mais laissent une certaine initiative aux États membres.  Comme à son habitude, le législateur belge n’a pas fait preuve de proactivité. Un avant-projet de loi, qui reste bien sûr susceptible d'être modifié après l’avis du Conseil d'État et l’intervention du Parlement, est actuellement sur la table.

Durée de la garantie légale, défauts de conformité et renversement de la charge de la preuve

Tout vendeur est responsable vis-à-vis du consommateur du défaut de conformité existant au moment de la livraison du bien et qui apparait dans un délai de deux ans à compter de la livraison. Cette période s'applique également aux éléments numériques qui font partie d'un bien physique, par exemple un logiciel sur un ordinateur. La directive permet aux États membres de prévoir une période supérieure à deux ans. Toutefois, il ressort de l'avant-projet de loi que la période de garantie légale de deux ans sera maintenue en Belgique.

La directive prévoit également une présomption réfragable selon laquelle un défaut de conformité qui apparaît dans l'année qui suit la livraison est réputé existant au moment de la livraison. En d'autres termes, le vendeur est automatiquement responsable sans que l'acheteur ait à fournir de preuves. Ce renversement de la charge de la preuve est modifié dans l'avant-projet de loi et passe à deux ans (contre six mois auparavant). Le vendeur doit prouver que cette présomption est incompatible avec la nature du bien (par exemple, les biens périssables tels que les fleurs et la nourriture) ou avec la nature du défaut de conformité (par exemple, causé par la faute de l'acheteur) afin d'être dégagé de toute responsabilité. Le gouvernement belge va donc plus loin (pour l'instant) que la directive européenne, qui prévoit une période minimale d'un an.

La présomption susmentionnée de renversement de la charge de la preuve s'applique également à la vente de produits numériques mais elle est limitée à un an, sans possibilité pour les États membres de prolonger cette période dans leur législation nationale.

Durabilité

La durabilité devient un critère objectif pour évaluer la conformité des produits. Pour être conformes, les produits doivent avoir une durabilité qui est considérée comme étant normale pour des biens du même type et à laquelle le consommateur peut raisonnablement s'attendre, compte tenu de la nature des biens spécifiques, entre autre la nécessité éventuelle d'un entretien raisonnable des biens comme l'inspection ou le remplacement régulier des filtres d'une voiture, ou compte tenu des annonces publiques (la publicité) faites par ou au nom d'une personne se trouvant dans la chaîne de transaction. L'évaluation doit également tenir compte de toute autre circonstance pertinente, telle que le prix des produits et l'intensité ou la fréquence d'utilisation des biens.

Mises à jour

Lors de la vente de produits numériques, le vendeur doit fournir au consommateur les mises à jour, y compris les mises à jour de sécurité, qui sont nécessaires pour maintenir la conformité du produit durant une période à laquelle le consommateur peut raisonnablement s'attendre. Ce délai dépend de la nature et de la finalité des biens et des éléments numériques ainsi que des circonstances et de la nature du contrat.

Obligation de notification

La directive prévoit la possibilité pour les États membres de fixer un délai maximal de deux mois, à compter de l'identification du défaut, durant lequel le consommateur doit notifier le défaut de conformité au vendeur afin de pouvoir exercer ses droits de consommateur. L'avant-projet de loi introduit cette obligation de notification et stipule un délai de deux mois à compter de l'identification du défaut.

Remèdes

En cas de défaut de conformité, l'acheteur dispose des possibilités suivantes (dans cet ordre) :

  1. Demander que le produit soit mis en conformité avec le contrat via sa réparation ou son remplacement;
  2. Demander une réduction proportionnelle du prix ;
  3. Réclamer la résiliation de la vente. Les produits seront alors renvoyés aux frais du vendeur et l'acheteur recevra un remboursement complet.

Délai de prescription

La directive permet également aux États membres de soumettre l'exercice des droits des consommateurs à un délai de prescription. L'avant-projet de loi prévoit un délai de prescription d'un an, à compter du moment où le défaut de conformité a été constaté, pour l'action en justice du consommateur.

Droit de recours pour le vendeur final

Lorsque la responsabilité du vendeur à l'égard du consommateur est engagée en raison d'un défaut de conformité résultant d'un acte ou d'une omission d'une personne située à un maillon antérieur de la chaîne de transaction, le vendeur est en droit d'exercer des recours contre la ou les personnes responsables dans la chaîne de transaction.

3. Platform-to-business

Depuis le 12 juillet 2020, la réglementation européenne (règlement (UE) 2019/1150 ou règlement "Platform to Business") s'applique aux ventes réalisées via des plateformes en ligne B2C (par exemple Amazon), mais aussi aux magasins d’applications (par exemple Applestore) et aux sites de comparaison de prix (par exemple Skyscanner). Ces règles visent à créer un équilibre entre les vendeurs actifs sur la plateforme (et dépendants de celle-ci) et la plateforme elle-même.

Les principaux éléments de cette réglementation sont les suivants :

  • Les plateformes doivent divulguer les paramètres clés qui influencent le classement des résultats de recherche sur la plateforme. Ils doivent également informer les vendeurs de la manière dont les produits ou services propres à la plateforme sont traités ou classés différemment (mieux) que ceux des vendeurs actifs sur la plateforme.

  • La plateforme doit communiquer les raisons de la restriction, de la suspension ou de la résiliation de ses services à un vendeur. En cas de résiliation, une période d'au moins 30 jours doit être respectée avant que le vendeur ne soit privé d'un accès effectif à la plateforme ;

  • Les conditions générales doivent être rédigées dans un langage facilement compréhensible et être faciles à consulter. Ils contiennent, entre autres, des informations sur le classement des résultats de recherche, les situations de résiliation de la fourniture de services et l'autorisation ou non de recourir à des canaux de distribution alternatifs. Les modifications des conditions générales doivent être annoncées au moins 15 jours à l'avance afin que le vendeur ait la possibilité de les accepter ou de les refuser et, le cas échéant, de résilier le service.

  • Les plateformes comptant plus de 250 employés et/ou réalisant un chiffre d'affaires de plus de 50 millions d'euros doivent mettre en place un système interne de traitement des plaintes et un processus de médiation externe pour traiter les plaintes des vendeurs.

4. Interdiction du géoblocage

Depuis le 3 décembre 2018, une interdiction de géoblocage s'applique à toutes les transactions transfrontalières des webshops au sein de l'UE (règlement (UE) 2018/302). L'interdiction du géoblocage met fin à la discrimination en ligne en matière de prix et d'offres de produits fondée sur la nationalité, le lieu de résidence ou l'adresse IP d'un client. L'interdiction s'applique tant aux transactions B2C qu'aux transactions B2B dans la mesure où les clients finaux sont concernés.

Qu'est-ce qui n'est pas (plus) autorisé ?

  • Vous ne pouvez plus refuser à un client Français l'accès à votre webshop belge ou le rediriger automatiquement vers votre webshop français, sauf si le client a donné son accord ;

  • Vous ne pouvez plus adapter automatiquement vos prix en fonction de la nationalité, du lieu de résidence ou de l'adresse IP d'un client (ce que l'on appelle la discrimination par les prix) ;

  • Vous devez utiliser les mêmes conditions de paiement et de livraison pour tous les clients de l'UE. Par exemple, en tant que webshop belge, vous ne pouvez pas refuser un paiement par carte de crédit de clients français si vous l'acceptez pour des clients belges ;

  • Vous ne pouvez pas refuser un client d'un autre pays de l'UE, même si vous ne ciblez pas ce pays ou ne le livrez pas. Le client doit toujours avoir la possibilité de retirer le produit dans le pays où vous livrez.

Que peut-on (encore) faire ?

  • Vous pouvez limiter la portée de la livraison (par exemple, livraison uniquement en Belgique et aux Pays-Bas) ;

  • Vous pouvez faire une différenciation de prix, c'est-à-dire que vous pouvez faire varier les prix des produits disponibles sur votre webshop belge par rapport à ceux du webshop français ;

  • La gamme de produits peut également différer d'une boutique en ligne nationale à l'autre en raison des exigences locales et nationales en matière de produits, par exemple ;

  • Vous pouvez également faire dépendre les frais d'expédition du pays de livraison. Il est logique que le transport vers un pays voisin soit moins cher que vers un pays plus éloigné ;

  • Les possibilités de paiement peuvent également différer d’un webshop national à un autre, pour autant que le webshop lui-même ne fasse pas de distinction fondée sur la nationalité ou le lieu de résidence du client.

L'Inspection Economique (SPF Economie) contrôle le respect de l'interdiction de géoblocage et peut imposer des amendes administratives.

5. Implémentation et ce qu’il convient de faire

Un audit de votre commerce en ligne est fortement recommandé afin de mettre le processus de vente en ligne en conformité avec ces nouvelles règles. Veuillez, à cet égard, noter les points d’attention suivants:

- Vérifier vos conditions générales, tant B2B que B2C ;
- Vérifier le processus de commande ;
- Vérifier les informations qui se trouvent sur votre boutique en ligne ;
- Réévaluer votre procédure de garantie.

Willem De Vos -  Daan De Jaeger
Avocats chez Monard Law

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