Société anonyme – Découvrez l’interview d’Yves De Cordt

Le nouveau Code des sociétés et des associations (CSA), introduit par la loi du 23 mars 2019, a modifié les dispositions légales des sociétés anonymes.

Le CSA définit la société anonyme (SA) comme « une société dotée d’un capital et dans laquelle les actionnaires n’engagent que leur apport ». Elle constitue une séduisante structure attractive de capitaux et peut dès lors tenter, en respectant certains canaux, de séduire les épargnants et les investisseurs sur les marchés financiers.

À l’occasion de la parution de la deuxième édition de l’ouvrage « Société anonyme », sous la marque Larcier, son coordinateur Yves De Cordt, nous donne un aperçu des principales modifications qu’apporte le CSA au régime des sociétés anonymes. Lisez ci-dessous son interview.

post larcier feb 2022

Comment cet ouvrage – qui s’imposait vu l’entrée en vigueur du Code des sociétés et des associations (CSA) – s’articule-t-il avec le Précis de droit des sociétés 2020 ?

Les évolutions contemporaines du droit des sociétés et du droit financier belges et européens ont été analysées dans les éditions successives du Précis de droit des sociétés, publiées chez Bruylant, puis Larcier, en 2004, 2006, 2009, 2011 et 2020.

Cet ouvrage spécifique consacré à la société anonyme constitue à la fois la deuxième édition du R.P.D.B., v° Société anonyme, publié en 2014, et une version amplifiée et mise à jour du titre 5 du livre II de la 5e édition du Précis de droit des sociétés. Dans ce cadre, nous avons à la fois tenu compte du CSA, introduit par la loi du 23 mars 2019, et des deux lois venues le compléter et le perfectionner, à savoir la loi du 28 avril 2020 et celle du 20 décembre 2020.

Agrémenté d’une bibliographie et d’un index alphabétique, ce plantureux volume intéressera à la fois les praticiens du droit des sociétés et ceux qui administrent des sociétés anonymes. Il examine les dispositions du CSA relatives à la société anonyme et analyse la jurisprudence à laquelle les dispositions légales applicables ont donné lieu. Sont, notamment, traités : la constitution de la société anonyme (conditions, publicité, nullité et responsabilités…) ; ses titres et leur transfert (formes, catégories et classes, limites à la libre cessibilité…) ; ses assemblées générales (pouvoirs, organisation, droit de vote, nullité…) ; son administration et sa gestion (statut des administrateurs, organisation de l’organe d’administration, conflits d’intérêts…) ; son capital (répartition bénéficiaire, acquisition d’actions propres, variations du capital…) ; la résolution des conflits internes.

N’y sont pas abordées des problématiques plus générales telles que la gouvernance d’entreprise, le contrôle des comptes, les fusions-scissions, les offres publiques d’acquisition, la responsabilité pénale des personnes morales et le droit financier, qui ont fait ou feront l’objet d’autres volumes.

Quelles principales modifications le CSA apporte-t-il au régime des sociétés anonymes ?

Le vœu du législateur belge est que notre droit des sociétés soit flexible, fonctionnel et attractif. Afi n que les praticiens y trouvent du « prêt à porter » tout en confectionnant du « sur-mesure », trois principes sont mis en œuvre : simplicité, liberté et mobilité. En ce qui concerne la société anonyme, on distingue plusieurs évolutions et consécrations.

- Quant aux modalités de transfert d’actions, le CSA distingue, d’une part, les clauses d’inaliénabilité et, d’autre part, les clauses d’agrément et de préemption. La réglementation des secondes est identique au droit antérieur tandis que la sécurité juridique des premières est renforcée. En effet, les clauses d’inaliénabilité ne doivent plus être « limitées dans le temps et […] justifiées par l’intérêt social à tout moment », mais simplement « être justifiées par un intérêt légitime, notamment en ce qui concerne leur durée ». L’intérêt légitime auquel il est fait référence peut évidemment être celui de la société mais aussi celui des actionnaires. Pour le surplus, le CSA confirme que les clauses à durée indéterminée peuvent être dénoncées à tout moment, moyennant un préavis raisonnable.

- Le CSA contient des innovations importantes dans le domaine de la gouvernance. Une SA peut désormais choisir entre trois modèles de gouvernance : l’administration moniste (conseil d’administration), qui est quasiment reprise à l’identique, l’administrateur unique et l’administration duale (conseil de direction et conseil de surveillance)

La possibilité de désigner un administrateur unique répond à deux ordres de considération. La société anonyme pouvant désormais être unipersonnelle, il est cohérent d’admettre qu’elle soit administrée par un seul administrateur, quel que soit, au demeurant, le nombre d’actionnaires. Par ailleurs, la suppression de la société en commandite par actions a été compensée par la possibilité de configurer une SA avec les caractéristiques d’une SCA, qui pouvait être dirigée par un seul associé commandité irrévocable.

Toute société anonyme peut désormais instaurer un dualisme organique, cohérent et authentique. Elle doit alors installer un conseil de surveillance et un conseil de direction, étant entendu qu’aucun membre de l’un ne peut simultanément faire partie de l’autre. Le premier définit la politique générale et la stratégie, pose les actes spécifiquement attribués au conseil d’administration dans un régime moniste, représente la société pour ce qui relève de sa compétence, surveille le conseil de direction et statue sur sa décharge ; le second est chargé de la gestion des opérations, exerce le pouvoir général de représentation et fait en sorte que le conseil de surveillance puisse exercer sa mission à son égard en lui communiquant – spontanément ou sur demande – des rapports et des informations.

La règle de révocabilité ad nutum des administrateurs, selon laquelle ils peuvent être révoqués, à tout moment, sans motif, préavis, ni indemnité, devient supplétive. La marge de manœuvre de l’assemblée générale est plus ou moins large selon les circonstances : elle doit respecter les statuts, qui peuvent organiser a priori la rupture, en prévoyant ou en excluant expressément un préavis ou une indemnité de départ ; à défaut de dispositions statutaires en la matière, elle peut, lors de chaque révocation, accorder ou refuser, en opportunité, un préavis ou une indemnité compensatoire. En tout état de cause, elle peut révoquer un administrateur, sans préavis ni indemnité, pour de justes motifs.

Le Code des sociétés contenait les critères minimaux d’indépendance (fonctionnels, financiers, commerciaux et personnels) que doivent remplir les administrateurs de sociétés cotées pour mériter cette qualité. Ce dispositif est remplacé par un système combinant une définition générale de l’administrateur indépendant (« il n’entretient pas avec la société ou un actionnaire important de celle-ci de relation qui soit de nature à mettre son indépendance en péril ») et une présomption simple d’indépendance, liée au respect des critères pour lesquels il est désormais renvoyé au Code belge de gouvernance 2020.

À propos des oppositions d’intérêts de nature patrimoniale entre la société et ses administrateurs, l’administrateur concerné ne peut en aucun cas participer à la délibération ni au vote. Si tous les membres de l’organe sont en situation de conflit, l’assemblée générale peut autoriser l’opération. En outre, l’action en nullité des décisions irrégulières est ouverte à la société mais aussi à toute personne ayant intérêt au respect de la règle méconnue.

Le régime des conflits d’intérêts impliquant une filiale cotée et des membres de son groupe est maintenu avec des extensions du champ d’application : les relations visées sont celles entre la société et ses « parties liées » ; la procédure est appliquée pour les propositions d’apport en nature et les projets de fusion, scission ou opération assimilée.

- Hormis la possibilité de déroger à la règle « one share, one vote », les règles relatives aux assemblées générales ne subissent pas de modifications substantielles.

On peut évoquer l’abaissement, de 20 à 10 % du capital, du seuil à atteindre pour que les actionnaires puissent exiger de l’organe d’administration et du commissaire qu’il convoque une réunion de l’assemblée générale dans un délai de trois semaines.

La nouveauté marquante est la possibilité de déroger à la proportionnalité entre investissement et droit de vote. Dans les sociétés non cotées, une clause statutaire peut accorder un droit de vote multiple à certaines actions. Quant aux sociétés cotées, pour avantager les actionnaires fidèles ayant une vision à long terme et favoriser des cotations en bourse nécessaires, les statuts peuvent conférer un droit de vote double aux actions nominatives, entièrement libérées, inscrites dans le registre au nom du même actionnaire depuis au moins deux ans. L’introduction de ce droit nécessite une décision de l’assemblée générale prise à la majorité des 2/3. Si l’action nominative est convertie en action dématérialisée, son titulaire perd le droit de vote double. En cas de cession d’action, l’acquéreur doit attendre au moins deux ans avant de bénéficier lui-même du droit de vote double, mais ce droit est, notamment, maintenu si la cession intervient au sein d’une même « famille » (succession, liquidation de communauté, cession à un successible ou entre sociétés d’un groupe).

- Alors que le législateur a le plus souvent veillé à promouvoir la liberté et la flexibilité dans le CSA, il a ajouté des contraintes pour les augmentations de capital. Pour les apports en espèces comme pour les apports en nature, l’organe d’administration doit établir un rapport, par lequel il justifie le prix d’émission et décrit les conséquences de l’opération sur les droits des actionnaires. Dans son rapport, le commissaire évalue si les données financières et comptables sont fidèles et suffisantes pour éclairer l’assemblée générale.

- Le régime de la distribution d’acomptes sur dividendes est assoupli sur plusieurs points : aussi bien l’interdiction de procéder au versement d’un acompte sur dividendes pendant les six premiers mois de l’exercice social que le délai minimum de trois mois entre deux distributions sont supprimés. De plus, il devient possible de distribuer un acompte sur les bénéfices de l’exercice précédent tant que les comptes y afférents n’ont pas été approuvés.

- Pour l’acquisition d’actions propres, le plafond dépend désormais seulement du montant des moyens disponibles pour la distribution. Les conditions de quorum et de majorité d’une modification des statuts sont désormais applicables à la décision d’autorisation par l’assemblée générale (75 % et plus 80 %). L’obligation de disposer d’une habilitation pour aliéner les actions acquises est supprimée tandis que celle de respecter l’égalité entre actionnaires en cas d’aliénation est consacrée. Pendant la détention, le droit au dividende est frappé de « caducité ».

 Quels sont les membres de l’équipe de rédaction ?

Il est important à mes yeux que ce livre constitue l’œuvre collective de professeurs et assistants de droit des sociétés de l’UCLouvain, dont la plupart ont aussi participé à la rédaction du Précis de droit des sociétés 2020.

Outre Henri Culot et moi-même, qui assume la coordination de l’ouvrage, ont apporté leur précieux concours à cette publication Gauthier Callens, Aurélie Cautaerts, Gabriela de Pierpont, Thomas Flament, Elliott Fosséprez, Jean-Marc Gollier, Alice Hannouille et Nikita Tissot.

C’est l’occasion pour moi de remercier chaleureusement celles et ceux qui avaient contribué à la première édition mais qui n’ont pas pu poursuivre la collaboration : Louis Culot, Natalie Konings, Frédéric Magnus, Gauthier Parisis, Kim Van de Velden et Sébastien Wolff.

Envisagez-vous une autre publication collective au sein du R.P.D.B. dans un proche avenir ?

En effet, vu l’importance de la SRL dans le monde économique belge et sa réforme substantielle dans le cadre du CSA, une équipe de professeurs et d’assistants de l’UCLouvain, dont je fais également partie, a entamé la rédaction d’un volume consacré à cette forme sociétaire, sous la coordination de mon collègue Henri Culot, dans la perspective d’une publication en juin 2022.

 

PLus d’infos sur le site DE Larcier

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